Cercle Psychanalytique de Paris

ZEN ET BORROMEEN

Dans la Prajanaparmita, la suprême sagesse du vide, de Nagarjuna, le sutra dit « du cœur » est le fondement même du Zen. Il est récité à tout propos. Cœur en chinois se dit xing, 心, qu’on traduit généralement par « esprit ». Ce qui, concernant le zen, ou chan, prête à de funestes confusions. Mais, la célèbre sinologue Catherine Despeux, administratrice de l’ université bouddhique européenne , traduit fort justement  xing, 心, par cœur, notamment dans son ouvrage « Les Entretiens de Mazu, maître chan du VIIIème siècle ». Est-ce cependant suffisant pour rendre compte de la spécificité de la pensée traditionnelle du zen ? Car de quel cœur s’agit-il ? Du cœur physique, du cœur  de l’esprit, de l’un et l’autre, ou d’un tout autre cœur ? C’est là où le nœud Borroméen de Lacan nous permet de mettre définitivement les choses au point :

En effet, le nœud Borroméen montre qu’il y a l’inconscient, le corps , l’esprit et l’objet a (la plus-value, le plus de jouir). Dans chaque rond, le vide est dynamique et précède ses bords et chaque rond possède, en quelque sorte, sa propre plus-value et son propre plus de jouir. L’objet a au centre du nouage étant concomitant aux trois ronds. On peut considérer alors qu’il y a une pulsation ou un cœur, 心, propre à l’inconscient, au corps et à l’esprit. L’inconscient a son propre objet a (sa plus-value, son plus de jouir) qui diffère de celui du corps et de celui de l’esprit. Grâce au Borroméen, on ne confondra plus la plus-value et le plus de jouir de l’esprit, de ceux du corps et de ceux de l’inconscient et l’on sera même en mesure de les harmoniser. Xing, 心, peut se lire de trois manières différentes. Et l’on peut comprendre précisément celle qui concerne le zen : la plus-value et le plus de jouir de l’inconscient. L’inconscient est dynamique et autonome, il se manifeste par bifurcation du corps et de l’esprit, du bien et du mal, de l’être et du néant, etc. Il les précède et les anime. Au centre de tout corps, il y a le vide (ou inconscient) et par-dessus l’esprit règne son calme. C’est ce que montre le nouage Borroméen. Quand le corps ou l’esprit veulent faire taire l’inconscient, « le maitre interrompt le silence, comme le rapporte Lacan, par n’importe quoi, un sarcasme, un coup de pied… » (ouverture du séminaire Les Ecrits Techniques de Freud , p. 7). On raconte qu’à ceux dont l’esprit posait trop de question, Mazu leur prenait le nez et le tordait (en Chine pour s’identifier, on met un doigt sur son nez).

Faute de pouvoir faire ces distinctions topologiques, le zen, comme toute autre religion, pourrait n’être utilisé que pour entretenir nos névroses, nos psychoses ou nos perversions. Pour distinguer avec le Borroméen, névrose, psychose et perversion,  voir l’article Lacan et le zen .

écrit par Guy MASSAT – CPP


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