Cercle Psychanalytique de Paris

LE « ça »

Le « ÇA », C’EST L’ABSORBTION DU TEMPS QUI PASSE, CE QUI DONNE PHONETIQUEMENT, CA TEMPS =  SATAN  (« L’ADVERSAIRE »POUR LA BIBLE, LES MONOTHEISMES et le SURMOI)

Selon notre grammaire, et « lalangue », « ça » est un pronom, c’est-à-dire ce qui peut remplacer le nom de quel qu’objet , quel qu’il soit, ou de désigner n’importe quoi. C’est la contraction orale du pronom cela. Mais pour la psychanalyse, ça n’est pas un pronom. « Pro » est un préfixe qui signifie « à la place de » et « avant » selon le lalangue de Larousse. « A la place » désigne le pronom, mais  « avant », lui, qualifie en psychanalyse le « sans nom », c’est-à-dire ce qui est avant tous les noms de l’histoire, c’est la véritable définition du ça, celle de Nietzsche, de Grodeck, de Freud et de Lacan lequel précise que cet avant n’est rien de moins que la béance originelle qui est « pré-ontologique » et qui se situe « dans l’aire du non né »  (« Les Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse » p . 25). C’est le yin qui parle avant le yang, le yoni avant le lingam, « le trou qui précède ses bords ».

Ce concept est quelque peu difficile à se représenter pour les langues occidentales mais pas pour la langue chinoise où le wu qui signifie rien ou sans, est un terme banal du langage courant. C’est ainsi que lorsque je faisais des conférences en Chine dans lesquelles j’osais des parallèles entre la psychanalyse, le Tao, le I King, et le Tchan, les chinois transformèrent le « ssat » de mon nom Massat en « ça » c’est-à-dire « wu ming » qui signifie « sans nom » et comme « ma » dans Massat signifie cheval, je fus affublé du nom chinois de « Cheval sans nom ». Cette transformation d’un nom occidental en un nom chinois est une marque honorifique de reconnaissance vis-à-vis de ceux dont on conserve le nom occidental. « Là où ça parle, ça jouit mais ça ne sait rien », explique Lacan dans « Encore , p.95 ». « Avant » étant la cause de ce qui vient, le ça parle. « Le ça, c’est qu’en parlant ça jouisse et ne veut rien en savoir de plus, et même ne rien savoir du tout ». Pour Freud, le ça est « inconnu et inconscient ». C’est la plus importante et la plus inaccessible des trois instances du système inconscient. Le ça est en relation étroite et conflictuelle avec les deux autres instances, le moi et le surmoi qui en sont des modifications et des différenciations. Le ça est le réservoir sans limites de l’énergie primitive où s’affrontent et s’absorbent les unes les autres les pulsions de vie et les pulsions de mort. L’exigence impérieuse de jouissance est ce qui régit le cours de ce processus continu. On pourrait dire que le ça est le temps qui absorbe tout impeccablement, du plus vaste au plus infime événement, des choses ou des êtres les plus talentueux comme des plus frustes. C’est cette pulsation temporelle qui absorbe tout pour un vide qui fait tout circuler, c’est cela le ça. Le triomphe du ça ou discours du maître (S1), c’est ce que produit normalement le discours psychanalytique. C’est pour préciser sa théorie de l’appareil psychique (« inconscient, moi sur moi », première topique) que Freud emprunte Grodeck le concept de ça que Grodeck lui-même avait trouvé chez Nietzsche (« es » en Allemand) et qui désigne le véritable sens de « la volonté de puissance ». Freud établit alors sa deuxième topique « ça, moi surmoi » pour définir le caractère autre, étranger et impersonnel « de la partie obscure, impersonnelle et incontrôlable de notre personnalité », le ça.

C’est le ça qui à notre insu, nous conduit, nous pense et anime notre libido. Le ça est « à l’origine de notre représentation du temps » dit Freud dans « Nouvelles conférences » (p ; 105). Mais, compte tenu des caractéristiques dont le connote Freud, on pourrait dire que le ça est le temps lui-même. D’ailleurs Lacan le qualifie de « pulsation temporelle » et de « pulsions continue ». Au commencement tout état ça » explique Freud dans son dernier ouvrage « Abrégé de psychanalyse » (p.26). C e qui signifie qu’on peut refouler le ça, mais, comme pour le temps, on ne saurait l’arrêter ou le supprimer (arrêter le temps ? Oui, mais pour combien de temps ?). « Wo es war soll ich werden » poursuit-il dans « Nouvelles conférences » (p. 110). Ce qui ne signifie pas comme le traduisent certains que «  le moi doit déloger le ça », mais comme le précise Lacan, « là où est le ça le sujet véritable de l’inconscient doit advenir », lequel ne s’autorise que de lui-même, il est le signifiant maître (S1), comme le temps qui passe et qui absorbe tout, il est l’absorption absolue, sans exception. Et parce que l’absorption est l’image parfaite de la jouissance qui détruit ce dont elle jouit, le temps s’avère être le plein épanouissement de la jouissance sexuelle passée, présente et avenir. Certes, on peut dire que tout cela n’est qu’illusion, portant nul ne saurait nier ce qu’il ressent. Pas besoin de savoir ce qu’est le temps pour y être dedans, parfaitement absorbé. L’infini n’a pas de fin, l’absolu n’a pas d’exception et l’éternité (anagramme d’étreinte) est « l’étreinte des siècles et des siècles ». De même pour Saint-Augustin et ses vertus théologales dont il dit que l’espérance et la foi passeront tandis que la charité ne passera pas. L’espérance passera puisqu’en voyant Dieu, nous n’aurons plus à l’espérer et que de même nous n’aurons plus à y croire puisque Dieu sera présent, mais la charité, elle, ne passera pas. Or sans la chair, il ne saurait y avoir de charité. C’est donc la jouissance sexuelle, la « chairité » qui ne passera pas, preuve en est que la vie continue.

Le « ça », c’est l’absorption (autre nom de la jouissance) du temps qui passe, ce qui donne phonétiquement « ça-temps », autrement dit Satan le « lumineux » et « l’adversaire » selon la Bible, les monothéismes et le Surmoi. Si, en bon occidental, le nom de Lucifer ne vous plait guère, vous pouvez passer à l’histoire chinoise de Houei neng qui est le plus grand maître zen de l’histoire. C’est à partir de lui que le Zen s’est répandu en Chine et dans le monde. On raconte que Houei neng était un bucheron de  la province de Canton. Un jour, il entend dans la forêt un moine réciter le sutra du vide. En un éclair, il comprend tout et décide de se faire moine. Pour cela, il se rend au temple de la Prune jaune. Il rencontra Houng jen le maître du monastère et lui exprima sa demande. Mais celui-ci lui expliqua que les moines de ce temple venaient principalement du nord et ils étaient tous de remarquables lettrés, tandis que Houei neng, lui, venait de Canton province célèbre pour sa misère culturelle et qu’étant un pauvre bucheron, il ne savait même pas écrire son nom. Il est vrai rétorqua immédiatement Houei neng, que dans la réalité ordinaire, il y a un nord et un sud, des lettrés et des ignorants, mais dans la dimension de l’illumination (le ça, » « le lumineux »), il n’y a ni nord ni sud , ni lettrés ni ignorants, donc vous devez m’admettre. Houng jen, devant cet argument typiquement zen ou ça, accepta Houei neng qu’il affecta aux cuisines. Mais quelque temps plus tard, Houei neng devin maître du temple.

Article de GUY MASSAT

Publié par H.NAEL pour le CPP


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